En Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, les acteurs de l’industrie des pêches adoptent des stratégies de diversification et d’innovation afin, d’une part, d’assurer le développement de leurs produits et marchés et, d’autre part, d’assurer la durabilité de la ressource. Coup d’œil sur quelques actions posées par nos entreprises et organisations ainsi que sur les opportunités à saisir.
Avant 2020, afin d’être moins vulnérable aux aléas du marché américain pour le crabe et le homard, l’industrie québécoise des pêches avait réussi à diversifier ses marchés en Europe et en Asie. Ces nouveaux marchés sont toutefois à reconquérir puisque 90 % des exportations ont été redirigées vers les États-Unis pendant la pandémie. Et bien que l’on note un accroissement de la demande au Québec, la hausse observée ne suffit pas à écouler les stocks. Les exportations continuent donc d’avoir une importance capitale pour maintenir une industrie québécoise en santé.
Lelièvre, Lelièvre & Lemoignan ltée, une entreprise familiale de transformation de produits marins située à Sainte-Thérèse-de-Gaspé, est très active sur le marché canadien, en plus d’exporter aux États-Unis, aux Caraïbes, en Europe et en Asie. « Le marché change tous les ans, dépendamment des quotas, des situations économiques de tous les pays, des achats de l’année précédente », mentionne son président-directeur général, Roch Lelièvre.
Pour le développement de marchés, l’entreprise se rend dans des foires commerciales – à Boston, en Europe et à l’occasion en Chine – ou y envoie des délégués commerciaux. Elle mise toutefois surtout sur un travail de longue haleine : « C’est un domaine basé sur le relationnel et la confiance, fait remarquer Raphaëlle Cyr-Lelièvre, responsable des stratégies d’affaires. La majorité des clients [le sont] de longue date. C’est important de bâtir des collaborations sur le long terme. » Elle ajoute que le bouche-à-oreille joue en leur faveur à l’international. La clientèle parle en bien de leurs produits, ce qui attire de nouveaux acheteurs. « Notre marque est synonyme de qualité. On se fait contacter par des pairs. »
D’après Gino Cyr, directeur général de GÎMXPORT, l’industrie québécoise des pêches doit demeurer proactive en continuant de miser sur les marchés internationaux. Il importe aussi, selon lui, de promouvoir la variété des espèces dans une perspective de diversification des produits. « Nos entreprises doivent, entre autres, se préparer en vue de la transformation du sébaste et valider les marchés à cibler pour lever les investissements initiaux. » Il souligne également que GÎMXPORT peut compter sur l’expérience d’industriels des pêches chevronnés membres de son conseil d’administration comme Gaétan Denis de La Crevette du Nord Atlantique, Bill Sheehan d’E. Gagnon et Fils ainsi qu’Éric Gagné de Menu-Mer pour être au fait des derniers développements dans ce secteur et alimenter ses réflexions. De plus, les entreprises des pêches de la région peuvent compter sur l’expertise de son équipe pour obtenir des services de soutien à la diversification des marchés.
Vers une pêche commerciale du sébaste
Depuis quelques années, on observe une hausse du sébaste dans le golfe du Saint-Laurent. GÎMXPORT a d’ailleurs piloté une mission commerciale avec des entreprises de la région qui ont pu visiter des installations de transformation de cette espèce à Glace Bay, au Cap-Breton (Nouvelle-Écosse). Il y a toutefois plusieurs étapes à franchir avant de passer d’une pêche exploratoire à une pêche commerciale de ce poisson au Québec. « La pêche au sébaste qui s’effectue ailleurs, comme en Islande, se fait au moyen de bateaux-usines qui traitent et congèlent le poisson à bord », explique André-Pierre Rossignol, conseiller sénior à l’exportation chez GÎMXPORT. « Dans le Canada Atlantique, comme au Cap-Breton, certains bateaux ramènent du sébaste à terre, mais il est traité aux antioxydants en mer pour conserver sa couleur et ses propriétés. » Actuellement, au Québec, aucun bateau n’est conçu ni adapté pour traiter le sébaste en mer. M. Rossignol ajoute qu’à l’heure actuelle, la taille des sébastes dans le golfe est encore trop petite (de 5 à 6 po) pour une vraie exploitation commerciale, qui requiert une taille minimum de 9 po.
Autres opportunités
Gino Cyr salue le dynamisme de l’industrie des pêches, tout en soulignant que plusieurs opportunités demeurent à saisir. La création de sous-produits de transformation écoresponsables, en tenant compte des nouveaux standards réglementaires, est une avenue à envisager, tout comme le fait de trouver des solutions pour augmenter la durée de vie des produits afin de favoriser leur accès sur différents marchés.
Également, les efforts de développement des marques de commerce et des emballages pour la vente au détail permettent de mieux mettre en valeur les produits auprès de la clientèle. Plusieurs entreprises, comme Les Fruits de mer Madeleine, ont récemment fait de belles initiatives en ce sens en travaillant sur leur marketing alimentaire et leur image de marque pour séduire le consommateur. « La commercialisation des produits aquacoles pourrait également être mieux structurée et les volumes consolidés pour garantir les approvisionnements et partager les coûts reliés à la distribution », ajoute M. Cyr.
En matière de développement durable et environnemental, le Canada a une très bonne réputation à l’international. « Le fait de miser sur de hauts standards en matière de développement durable ou sur les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) permet d’offrir un positionnement privilégié à nos entreprises, affirme M. Cyr. Nos produits sont haut de gamme. Il faut être à l’avant-garde en la matière. »
Défis et innovations dans l’industrie des pêches
Selon le préfet de la MRC du Rocher-Percé, Samuel Parisé, l’un des grands bouleversements vécus dans le secteur des pêches ces dernières années est qu’il « faut faire face aux aléas de la nature ». Il réfère, entre autres, à la présence de baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent, qui a mené à la fermeture de zones de pêche en raison des risques d’empêtrement dans les engins.
En guise de solution, l’entreprise québécoise Devocean a développé un système de pêche au crabe sans cordage, qui constitue une alternative écoresponsable à l’équipement de pêche traditionnel. Ce système permet la réhabilitation de certaines zones du golfe du Saint-Laurent où circulent des mammifères marins en danger d’extinction pour pratiquer la pêche commerciale.
Le soutien au rendez-vous
D’après Samuel Parisé, l’industrie des pêches, qui constitue un secteur économique majeur, bénéficie d’un excellent soutien. « Dès que des projets sont mis en place (rachats de permis de pêche par la relève, etc.), on répond toujours présent! On les aide financièrement. »
Dans le cadre de ses activités, GÎMXPORT accompagne les entreprises et les organisations de la région de différentes façons, notamment lors du dépôt de demandes d’aide financière. L’organisme souligne, par ailleurs, sa volonté d’accompagner les communautés autochtones du territoire qui désirent obtenir du soutien pour la commercialisation de leurs produits.
GÎMXPORT a, entre autres, développé une expertise dans l’élaboration de demandes au Programme de soutien à la commercialisation et à l’exportation du gouvernement du Québec ou encore au Fonds des Pêches du Québec, un programme de 42,8 M$ financé conjointement par les gouvernements du Canada et du Québec.
Rappelons également qu’en 2022, l’organisme a lancé le portail Québec Seafood, qui permet aux acheteurs internationaux d’entrer en contact avec les entreprises québécoises de transformation des produits marins.
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